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25 juillet 2018

Emile Bourdaret (ECL 1893) Centralien ethnographe 

Émile Jean-Louis Bourdaret, Centralien de Lyon promotion 1893, fut à la fois un brillant ingénieur et un ethnographe respecté, cité encore aujourd’hui parmi les premiers explorateurs occidentaux de la Corée. 

 


A travers ses voyages et travaux, il fut un de ceux (avec Emile Guimet un autre Lyonnais, et Albert Kahn) qui firent connaître à l’Europe les grandes civilisations asiatiques à la fin du 19ème siècle, contribuant de manière décisive à la pénétration des entreprises françaises en Asie.

Ses débuts à Lyon

On ne connaît que très peu de chose sur la famille et l’enfance d’Emile Bourdaret. On sait seulement qu’il est né à Lyon en 1874, fut un bon élève à la Martinière puis à l’ECL dont il sortit major de sa promotion en 1893.

Si tôt diplômé, il entreprit de grands voyages qui le mèneront dans le cadre de ses missions de chef de chantier et de conseil aux entreprises de travaux publics (principalement dans la construction de chemins de fer), en Chine et en Corée, puis, plus tard en Tunisie et en Espagne.

Un ingénieur pas comme les autres

Ce qui donne un caractère exceptionnel à ce personnage et à sa carrière, c’est qu’à ses débuts, il manifesta un réel talent d’ethnographe, devenant dans les premières années du 20ème siècle, un des français qui connaissaient le mieux la Corée, son peuple et ses traditions, lui qui n'était alors qu'un simple ingénieur envoyé sur des chantiers de construction d’infrastructures. 

C’est en Corée, et en Corée seulement, qu’il donnera à ses missions un tel caractère ethnographique. Une passion unique malgré les nombreux pays traversés au cours de sa vie.

Emile Bourdaret, ethnographe et esthète

A la fin du 19ème siècle, la France souhaitait nouer des relations économiques avec la Corée. Après un épisode de diplomatie de la canonnière, elle signa le Traité Franco-Coréen en 1886, vingt ans après les évènements de Kanghwa-Do (1866) qui avaient suscité une expédition militaire de Napoléon III.

On ignore dans quelles conditions exactes E. Bourdaret fut envoyé en Corée : était-ce à l’initiative de son entreprise ou du gouvernement français ? Il y séjourna semble-t-il au moins deux fois : après la guerre sino-japonaise de 1894-1895, puis de 1900 à 1904, cette fois missionné par le gouvernement français.

Ce dernier avait obtenu en 1900-1901 le contrôle des postes et télécommunications puis des concessions de chemins de fer. En 1903, il chargea E. Bourdaret devenu ingénieur des travaux publics de la Maison Royale de Séoul, de participer à la construction du chemin de fer Séoul-Sinwejoo décidée par le gouvernement coréen. 

Plus qu’un voyageur curieux, il se découvre une véritable vocation d’ethnographe. 

Passionné par le pays, par sa culture et par son isolement, il devint plus qu’un voyageur curieux, il se découvre une véritable vocation d’ethnographe.

Un récit autobiographique remarquable (cf. Younghill KANG, Au pays du matin calme, Plon, Paris, 1967) donne ainsi une idée de ce pays fascinant à l’époque des voyages de Bourdaret : il y décrit une famille de lettrés vivant dans un extrême dénuement, parfois à la limite de la famine, mais où chaque membre compose des poèmes et discute des grands textes littéraires de la tradition coréenne.



A l’occasion d’un retour en France en 1902, il présentera (avec E.Chantre) une communication à la Société Française pour l’Avancement des Sciences sur le thème « Les Coréens, esquisse anthropologique ». 

Il publia en 1904 un livre « En Corée » qui eut une large diffusion, fut traduit en coréen et fut l’objet de plusieurs présentations publiques, notamment à l’Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Lyon, mais aussi dans le cadre de l’association des anciens élèves de l’ECL (cf. Emile Bourdaret, « En Corée- Causerie accompagnée de projections photographiques », Technica, N°4, Mai 1904, (pp.2-11).


Une thèse (cf Mihwa Chu, Aspect des échanges franco-coréens : la réception de la littérature romantique et les traductions du Rouge et le Noir, Thèse de doctorat, Paris-Est, 2012, p.57) sur les rapports entre la France et la Corée rapporte :

« La première impression de Bourdaret est marquée par une ambivalence que l’on retrouve tout au long de son récit : à l’aspect « attrayant » des costumes ou de la nature s’oppose presque aussitôt la laideur d’une pauvreté généralisée.

Aussi doit-on souligner le balancement renouvelé par lequel l’auteur distingue ce qu’il aperçoit « de loin », et ce qu’il finit par décrire « de près » :

« Du pont je ne voyais que des robes blanches immaculées ; mais du sampan, qui me conduit à terre, je constate que si le blanc est la couleur nationale du vêtement coréen, il lui est permis de passer par toutes les teintes consécutives, de la légère grisaille au plus beau noir ciré, à en juger par les guenilles puantes et crasseuses de mon batelier».

"La Corée est donc une sorte d’Eden, que le progrès européen n’a pas encore souillé"

Il écrit : "La Corée est donc une sorte d’Eden, que le progrès européen n’a pas encore souillé, et qui offre aux cœurs poétiques de nombreux motifs d’admiration. Ainsi, certains voyageurs, qui ne se complaisent guère dans la critique suffisante, prennent au contraire soin de porter sur le pays un regard ouvert, profondément sympathique, à la recherche de beautés encore inconnues d’eux et du lecteur.(cf Chu, p.74)"


Comme les explorateurs de l’époque, il multiplia publications et conférences sur des thèmes comme « Religion et Superstition » en Corée ou « les dolmens en Corée et les monuments préhistoriques de l’ile de Kang-Hoa ».

 

E. Bourdaret a rapporté un riche matériau ethnographique - le Musée des Confluences à Lyon comporte, dans son fonds coréen, une dizaine d’objet (des chapeaux et des chaussures) issus de donations d’E.Bourdaret - et laissé d'importantes descriptions des sites et paysages qu'il a traversés, notamment la montagne de Diamant avec ses quarante-cinq monastères bouddhiques et ses stèles et Wonsan et ses dolmens et l'île volcanique de Quepaert d'accès très difficile à l’époque.

 

Un ingénieur sur de grands chantiers de chemin de fer

Etrangement, après son séjour en Corée, il abandonne totalement tout intérêt ethnographique et, bien qu’il ait poursuivi sa carrière dans d’autres pays peu ou mal connus à l’époque, il semble ne pas retrouver la passion de jeunesse qu’il avait éprouvée en Corée.

De 1893 à 1910, il est ingénieur à la Régie Générale des Chemins de Fer (ndr La Régie Générale des Chemins de Fer (et des Travaux Publics) a été fondée en 1870 par Philippe Vitali (ECP 1851)  et elle fut pendant un siècle l’un des leaders mondiaux de la construction de lignes de chemin de fer.) pépinière de centraliens de Paris et de Lyon, et il travaille en Turquie, à Madagascar, en Corée, en Italie et en Chine. Là-bas, il participe autour de 1907 au grand projet de la ligne du Yunnan dont l’ingénieur en chef est Albert Dufour, un autre ECL.

De 1911 à 1929, pour différentes entreprises de travaux publics, il intervient dans toute l’Europe, avec de nombreuses réalisations en Espagne où il dirigera la construction de plusieurs centaines de kilomètres de chemin de fer (notamment à partir de 1913 à Madrid comme ingénieur en chef de la construction des chemins de fer de Tajuna) et il passe plusieurs années en Indochine.

On n’a malheureusement aucune information sur sa vie et sa carrière jusqu’à sa mort à Nice le 4 Novembre 1947 ; on sait seulement qu’il multiplia les responsabilités importantes dans de grands chantiers prestigieux.


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Bibliographie
Certaines des publications d’Emile BOURDARET sont disponibles en re impression sur Amazon, notamment En Corée (Plon-Nourrit, 1904) et Religion et superstition en Corée (1904).
Jean-François BELHOSTE et Thierry CLAES, « Philippe Vitali (ECP 1851). Centralien de l’année 2017 », Centraliens N°655, Sept.Oct.2017, pp.45-47
Younghill KANG, Au pays du matin calme, Plon, Paris, 1967
Article nécrologique dans Technica, N°96, Janvier 1948 (p.12)

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