L'expertise est un élément clé dans de nombreux modes alternatifs de résolution des litiges, tels que l'arbitrage et la médiation. Les experts jouent un rôle important en fournissant une vision externe impartiale, et en fournissant des analyses éclairées et objectives pour aider à résoudre des litiges complexes. Contrairement aux experts judiciaires, les experts dans le cadre de modes de résolution alternatif des litiges ne sont pas nommés par le tribunal et n'ont pas de lien avec l'institution judiciaire. Ils sont choisis par les parties elles-mêmes sur la base de leur réputation dans le domaine d’expertise demandé, mais leur indépendance est primordiale pour garantir la crédibilité et l'acceptabilité de l'expertise par le tribunal et/ou la partie adverse. Cette crédibilité exige aussi une approche robuste et rigoureuse afin de passer au travers des critiques des experts de la partie opposée. La confidentialité est également un élément clé dans de nombreux modes de résolution des litiges alternatifs, ce qui permet aux parties de partager des informations confidentielles avec l'expert en toute confiance.

L'expertise est essentielle pour garantir que les modes de résolution des litiges alternatifs soient équitables, efficaces et fournissent des résultats justes pour toutes les parties impliquées et, au final, permettent une indemnisation du préjudice au plus proche de la réalité.  Dans le cadre de litiges au sein de projets de construction, l’expertise porte sur le retard et les quantum.

Les experts en analyse de retard utilisent les méthodes d'analyse reconnues, telles que celles présentées par la « Society of Construction Law » (SCL) dans le « Delay and disruption protocol » afin de déterminer le chemin critique du projet (c'est-à-dire la plus longue séquence d'activités à réaliser afin de boucler l'ensemble du projet), et quantifier les impacts des retards sur le calendrier du projet. Cette analyse des évènements ayant conduit à des retards critiques repose sur l’étude approfondie de la documentation du projet fournie par le client, tels que les plannings, les contrats, les rapports d'avancement, etc... 

Une mission typique d’expert retard suit le plan suivant :

    1. Il commence par analyser le planning de référence, c’est-à-dire les séquences planifiées du projet.  
    2. Il retrace l’historique du projet et reconstruit des chronologies détaillées.
    3. Il évalue le chemin critique du projet, où les retards critiques ont été encourus.
    4. Il identifie ensuite les causes de ces retards critiques. Les responsabilités de ces causes de retard entre les différentes parties impliquées dans le projet sont évaluées avec l’aide de l’équipe juridique du client.
    5. Il détermine le délai imputable à la partie adverse (c’est-à-dire le retard excusable et compensable) en s’appuyant sur l’équipe légale du client.

Les experts quantum s’attachent à déterminer le montant du préjudice subi, le but étant que la partie indemnisée se retrouve dans le même état financier qu’en l’absence de faute de la partie adverse.

Dans les contrats, en général, les conditions d’application et les montants associés aux pénalités de retard sont très bien définis. La détermination du nombre de jour de retard est dans ce cas suffisante pour calculer le montant des pénalités. En revanche il est extrêmement rare de voir dans des contrats un montant prédéfini des coûts de prolongation de l’entreprise. La détermination de ces coûts nécessite l’intervention d’experts.

Dans ce cadre, l’expert isole les coûts liés au temps qui vont être réclamés au titre de la prolongation. Pour cela, il étudie la comptabilité du projet afin d’identifier la répartition des coûts encourus de ce dernier. Les pièces comptables permettent également de démontrer la véracité de ces coûts.

Ils sont également amenés à estimer des coûts de perturbations, de perte de productivité, d’accélération et de prestations supplémentaires. Ces prestations dépendent du contexte du projet, il convient donc d’analyser dans le détail celui-ci et les techniques associées.

Les experts retard et quantum interviennent sur différentes phases des projets de construction, que ce soit pour accompagner le projet ou assister à la résolution des litiges. Ce sont avant tout des experts en projets avec des expériences de terrain.

En effet, ils peuvent intervenir dès la phase de démarrage en fournissant une aide sur la planification du projet et l’estimation des coûts, mais aussi tout au long de la phase de construction pour contrôler l’avancement du projet, identifier les risques et assister le client dans l’établissement de réclamation de délais et de coûts. 

Enfin, les experts interviennent principalement après l’exécution et la finalisation des projets, afin de traiter les litiges éventuels, en participant à des procédures de médiation, d’arbitrage ou devant les tribunaux. 

Dans le cadre de la médiation ou de comité de règlement des différends (ou  « dispute board »), les parties impliquées dans le litige se réunissent pour essayer de trouver une solution à l’amiable. Les experts retard et quantum peuvent être impliqués dans ce processus pour fournir une expertise technique et factuelle en appui du cas de leur client, voire en tant que médiateur ou membre du « dispute board ».

Dans le cas de l’arbitrage, particulièrement adapté aux contrats internationaux, les parties impliquées dans le litige présentent leur cas à un centre d’arbitrage privé, où, un tribunal, composé d’un ou plusieurs arbitres rendront une décision finale. Les experts retard et quantum sont appelés à fournir des expertises techniques et factuelles au tribunal  pour l’aider à rendre une décision éclairée. Les experts témoignent également devant le tribunal et sont soumis à un contre-interrogatoire par l’avocat de la partie adverse. 

Enfin, si le litige ne peut être résolu par la médiation ou l’arbitrage, les parties peuvent poursuivre par la voie judiciaire. 

Les experts retard et coûts peuvent intervenir sur une grande variété de projets de construction : projets d’infrastructures publiques ou privées, commerciaux ou résidentiels , liés à l’énergie et à l’industrie.

Les projets se déroulent en France ou à l’international. Cette diversité ajoute une couche de complexité, car il faut s’adapter à des contextes culturels, juridiques et techniques différents.

De nouvelles problématiques liées à l’évolution des outils informatiques se posent au métier d’expert. Une bonne partie de notre travail est de retracer la vie d’un projet en se basant sur sa documentation. Il convient de rester en veille quant au développement de nouveaux outils, comme l’Intelligence Artificielle (IA), permettant d’optimiser cette tâche.  De plus, les cabinets d’expertise doivent suivre et se mettre en phase avec l’évolution des outils utilisés par leurs clients pour une bonne analyse des données du projet.

Les compétences requises sont :
    • une solide formation en génie civil ou en construction, avec une expérience significative dans les projets de construction, 
    • une bonne connaissance des normes et des pratiques de l'industrie, 
    • des compétences en analyse de données et en gestion de projet, 
    • une forte capacité à communiquer efficacement avec les parties prenantes et à travailler en équipe, 
    • une grande attention aux détails.

Néanmoins, les cabinets d’expertise recrutent aussi des étudiants en fin d’étude. Ils débutent alors au niveau d’« Analyst » et ont comme charge principale d’analyser / digérer la quantité de données reçues par le client en début de mission. La grande variété de projets de construction étudiés dans un laps de temps assez court permet de monter rapidement en compétence.