Liste des articles
Vue 802 fois
10 novembre 2021

Olivier Pol (ECL 2002) : chef de section projets CVC et services énergétiques pour la société des services techniques de la ville d’Innsbruck

Né en Autriche, diplômé de Centrale Lyon et du Politecnico di Milano, un doctorat initié à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne, on pourrait penser que la carrière internationale d’Olivier Pol (ECL2002) était toute tracée. Une évidence devenue aujourd’hui réalité qui s’est faite au gré des rencontres, de choix professionnels parfois radicaux - comme celui de passer du secteur de la recherche académique, à celui de l’industrie - et surtout de la volonté d’agir concrètement face à l’urgence climatique. Rencontre avec Olivier Pol, un Centralien de Lyon et aujourd’hui d’Innsbruck.


Bonjour Olivier. Pourquoi avoir choisi de partir travailler à l'étranger plutôt que de tenter une carrière en France ?

L’étranger a toujours été familier pour moi. J’ai grandi dans un contexte européen issu d’un côté de l’immigration polonaise et italienne des années 1920 dans les cités minières, et de l’autre côté des hasards des rencontres et de l’attrait pour l’inconnu, qui d’une certaine manière continue à façonner l’histoire de ma famille. Même si je suis né en Autriche et ai depuis toujours vécu le pluriculturalisme à la maison, mon cursus jusqu’à l’École Centrale a été celui de tant d’autres Centraliens. Nous ne parlions malheureusement pas l’allemand à la maison en Bourgogne, mais nous mangions du Kaiserschmarrn régulièrement et notre arbre de Noël était décoré comme tous ceux de la région de Graz.

L’idée de partir à Milan en 2001 pour y effectuer mon double diplôme avec une spécialisation dans le bâtiment est née quant à elle de ma passion pour l’architecture et du fait qu’à cette époque, il n’y avait pas de cursus correspondant à l’ECL. Évidemment, le fait de partir vivre en Italie dans une région que je ne connaissais que dans le contexte des vacances me permettait de renouer avec mes lointaines origines, et tout s’est intensifié au moment où j’ai rencontré ma compagne, 100% piémontaise.

Mai 2017, le "bosco verticale" à Milan, signé par l'architecte Stefano Boeri,
a servi d'inspiration à de nombreux édifices après sa réalisation en 2012-2013

Quel regard portez-vous sur ces 20 années écoulées et vos multiples expériences professionnelles entre travaux de recherche, gestion de projets internationaux auprès de bureaux d’architectes et aujourd’hui au sein de la société de services énergétiques de la ville de Innsbruck ?

J’étais parti au Politecnico di Milano avec en tête une carrière d’ingénieur structures mais c’est finalement la physique du bâtiment et les fluides qui l’ont emporté. C’était la première décennie de la maison passive en Allemagne et je me suis donc concentré sur la région DACH (l’acronyme allemand pour Allemagne, Autriche et Suisse) à la recherche de mon premier travail dans la construction d’habitats durables. Une conjoncture défavorable à cette époque m’a finalement conduit dans un centre de recherche à Vienne, que j’admets avoir retenu avant tout temporairement pour y vivre ma deuxième passion, la musique.

C’est donc en musique que ce sont succédées quasiment 9 années intenses de projets captivants autour de la climatisation solaire, des premiers éco-quartiers en Europe, de nouvelles générations de réseaux thermiques urbains et d’un doctorat initié à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne.

Mais au moment de confirmer une carrière académique commencée sûrement trop tardivement et peut-être par peur, à force de publications, de finir par ne rien réaliser de concret, j’ai décidé de passer au monde industriel en postulant à un poste de chef de projet CVC au sein d’un bureau d’architectes renommé à Innsbruck et spécialisé dans la conception intégrale des bâtiments.

Construit à l'image d'un arbre, le siège social de la société Markas conçu par ATP à Bolzano (Italie) intègre des jardins suspendus aux niveaux inférieurs du bâtiment.


Les outils BIM permettent de gérer la complexité des réseaux CVC
de grands sites de production agro-alimentaires,comme sur ce projet en Russie.

 

Les premières années n’ont pas été faciles et j’ai dû m’adapter rapidement aux phases, rythmes et dynamiques des projets de construction, à la notion de responsabilité de la maîtrise d’œuvre, aux règlements techniques de différents pays et organismes, aux échanges et négociations avec autorités locales, entreprises en charge des travaux, fournisseurs ou futurs utilisateurs, aux nouveaux outils de conception (BIM), au contrôle des coûts, au rythme de travail sur de grands chantiers à l’étranger… J’admets ici avoir été bien avantagé et préparé par mon cursus, ce qui m’a permis de réaliser des projets en Inde, Russie, Turquie etc. sans me retrouver « lost in translation ».

Juin 2017, l'équipe de maîtrise d'oeuvre sur le chantier. Plus qu'ailleurs, la réalisation en Inde d'un projet impliquant des standards internationaux avec des équipes locales nécessite des échanges et suivis intenses.Juin 2017, l'équipe de maîtrise d'oeuvre sur le chantier. Plus qu'ailleurs, la réalisation en Inde d'un projet impliquant des standards internationaux avec des équipes locales nécessite des échanges et suivis intenses.

Notre équipe a réalisé ces projets pour des clients renommés de la filière agro-alimentaire et il s’agissait avant tout de concevoir des sites et des bâtiments qui permettaient de maximiser l’efficacité des systèmes productifs, d’optimiser la logistique des livraisons et des flux internes, d’améliorer les espaces et le flux des employés, de prévoir et de faciliter les travaux de maintenance etc. J’étais responsable de la conception des systèmes de chauffage, froid, ventilation, vapeur et autres fluides nécessaires au fonctionnement et à la protection de ces sites extrêmement voraces en énergie.

Juillet 2016, chantier coloré sur un site industriel dans la lointaine périphérie de Chennai (Madras). Vue d'une tranchée de drainage des eaux de pluie, dimensionnée pour éviter tout risque d'innondation du site pendant la mousson.Juillet 2016, chantier coloré sur un site industriel dans la lointaine périphérie de Chennai (Madras). Vue d'une tranchée de drainage des eaux de pluie, dimensionnée pour éviter tout risque d'innondation du site pendant la mousson.

L’ironie du sort veut que ce soit justement le vendredi 13 mars 2020, alors que je présentais à Moscou l’avant-projet détaillé d’une usine de production de gélatine dans les terres noires Russes, que le gouvernement autrichien proclama le premier confinement national en réaction à la pandémie de Covid-19. Ce dernier voyage international pour moi se termina par un rapatriement d’urgence et mit symboliquement fin à mon activité de chef de projets internationaux.

En réalité ma décision d’agir localement devant l’urgence climatique avait déjà été prise et communiquée avant la pandémie : depuis mai 2020 je suis donc employé par la société de services techniques municipaux de la ville de Innsbruck. Il s’agit d’une société par actions, les actionnaires étant la ville (majoritaire) et le principal acteur énergétique de la région du Tyrol, qui exploite entre autres les grands sites de production hydro-électrique de la région.

Je gère une petite équipe en charge d’élaborer des solutions de CVC pour des bâtiments et des quartiers de la région de Innsbruck. Ces solutions sont proposées à nos clients sous la forme de services énergétiques, et nous nous occupons de la conception, de la réalisation, de la mise en service, de l’exploitation ainsi que de la maintenance des installations afin de garantir à nos clients l’approvisionnement en chaleur, vapeur, froid ou air conditionné de leurs bâtiments.

L’engagement de la société vers la neutralité climatique nous pousse à développer et implémenter des solutions énergétiques basées sur l’utilisation d’énergies renouvelables. La ville nous encourage à développer des solutions utilisant de manière intelligente la nappe phréatique comme source d’énergie sous forme de réseau anergie ou bien de valoriser thermiquement les eaux de drainage du tunnel de base du Brenner, qui sera avec 65 km le plus long tunnel ferroviaire au monde, afin de pourvoir aux besoins de chaleur d’un quartier de la ville.

Dans la cadre de mon activité, je contribue avec les services de la ville à la planification énergétique territoriale, afin de définir les grandes lignes de développement des infrastructures énergétiques qui permettront, au niveau local, d’atteindre les objectifs climatiques.

Juin 2017, à la recherche de fraîcheur et de nature à portée de main dans les hauteurs d'Innsbruck.

Qu’appréciez-vous particulièrement dans le fait de vivre à Innsbruck ?

Aussi bien à Vienne qu’à Innsbruck j’apprécie avant tout la qualité de vie et la réelle proximité avec la nature. Les villes en Autriche sont petites et relativement compactes, même si ici aussi nous déplorons l’imperméabilisation des sols. Je peux quitter mon domicile du centre-ville à pied ou en vélo en toute sécurité et arriver dans un paysage alpin à 2000 m en quelques heures.

J’apprécie également l’avantage de vivre dans un petit pays où les réseaux de connaissances sont très compacts, ce qui facilite énormément les choses, même si les distances géographiques sont souvent longues à parcourir dans les Alpes. Il m’arrive enfin de sourire devant les reliques de certaines lourdeurs administratives issues des temps impériaux (k. u. k. en allemand). L’attachement exacerbé aux titres académiques en est sans aucun doute le symptôme le plus évident.

 

Merci Olivier.

Auteur

Diplômé de l’École de Centrale de Lyon et du Politecnico di Milano dans le cadre d’un double diplôme TIME en 2003 avec une spécialisation en bâtiment, il débute son parcours professionnel auprès de l’Austrian Institute of Technology à Vienne sur les questions énergétiques dans le bâtiment et la ville. En 2013 il décide de laisser le secteur de la recherche pour passer au monde industriel et rejoint le bureau d’architecture ATP à Innsbruck en tant que chef de projet CVC / fluides. Depuis 2020 il occupe le poste de chef de section projets CVC et services énergétiques au sein de la société des services techniques de la ville d’Innsbruck (IKB).

A lire

Commentaires

Aucun commentaire

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire. Connectez-vous.