Un Centralien, un métier : ingénieur packaging chez l’Oréal
Xavier Debaecker (ECL2000) est Packaging Manager chez l’Oréal en charge notamment du développement des nouveaux produits pour le marché Aerosols-HairColor-Hygiene. Il nous parle de son métier, de sa dimension aussi bien technique qu'opérationnelle, et des défis que représente la question du recyclage et de la bonne gestion des ressources. Rencontre.
Bonjour Xavier. Première question : comment passe t-on des bancs de Centrale Lyon au métier d'Ingénieur packaging ?
Quand je suis sorti de Centrale Lyon en 2000, j’avais une vision assez floue du métier d’ingénieur, avec plus de doutes que de certitudes sur la façon dont je souhaitais orienter ma carrière. J’ai donc décidé de faire un 3ème cycle en gestion à l’IAE de Paris où j’ai découvert la finance, les ressources humaines, le marketing, et plein d’autres facettes de ce qu’un cadre peut apporter à l’entreprise. A la suite d’un stage chez l’Oréal, j’ai décroché un CDI au sein de la Direction Générale des achats où je m’occupais des systèmes d’information. Nous étions au début des années 2000 et les TIC (Technologies de l’information et de la Communication) comme on les appelait à l’époque, étaient en plein essor. Mais avec le temps et des rencontres avec des personnes d’autres services au sein du groupe, je me suis rendu compte que j’avais envie de concret, de travailler sur des produits industriels que l’on pouvait tenir dans la main. Le métier d’ingénieur packaging répondait à plusieurs de mes critères et aspirations professionnelles. Quand l’opportunité s’est présentée de changer de poste et de métier, je n’ai pas hésité.
L’ingénieur packaging n’est pas un expert cantonné à produire des rapports pour que d’autres prennent les bonnes décisions, il fait partie intégrante du process de développement et de production des produits
Comment définiriez-vous votre travail aujourd’hui?
C’est un métier technique et opérationnel dans le sens où l’ingénieur packaging n’est pas un expert cantonné à produire des rapports pour que d’autres prennent les bonnes décisions. Au contraire, nous faisons partie intégrante du process de développement et de production des produits, depuis la conception mécanique, le choix des matériaux, des moyens techniques etc., avec pour objectif premier de répondre aux attentes marketing et commerciales de la marque. Notre rôle est aussi de nous assurer que le packaging des produits respecte les contraintes réglementaires qui peuvent être différentes selon les pays. Par exemple, les gaz aérosols utilisés sur nos produits ne sont pas les mêmes sur le marché américain et européens car les législations y sont différentes.
En quoi le fait d’être issu d’une formation d’ingénieur dit généraliste vous aide t-il au quotidien ?
Dans mon cas, c’est un avantage d’être un ingénieur généraliste, car cela me permet de faire face aux aléas de situations complexes qui nécessitent d’avoir une vision globale pour prendre les bonnes décisions. Par exemple, une usine de polyéthylène vient de brûler à l’autre bout de la planète et il faut trouver en urgence une autre source d’approvisionnement, la valider en étant sûr qu’on respecte tous nos critères. Mon métier implique d'être en veille permanente sur tout ce qui peut se passer dans la vie de nos produits d’un point de vue production, afin d’anticiper et réagir aux aléas qui peuvent survenir.
Être ingénieur généraliste permet également de comprendre es enjeux et le quotidien des collègues en logistique, aux achats, en production, au marketing avec notamment les notions d’image de marque, mais aussi les enjeux des fournisseurs qui ont leur propre stratégie commerciale et industrielle. Dans le secteur des cosmétiques, très changeant, nous évoluons dans un environnement dit VUCA (Volatility, Uncertainty, Complexity and Ambiguity). Cela implique d’être en permanence dans l’échange et la collaboration avec les équipes, pour nous adapter et nous aligner. Mon métier est très humain et le relationnel est essentiel pour coordonner les actions et mener à bien les projets.
La question du recyclage et de la gestion des ressources fait partie des gènes de l’ingénieur packaging
Quand on pense packaging, vient très vite la question de l’impact environnemental et du recyclage. Quelle place a cette problématique aujourd’hui dans votre travail ?
La question du recyclage et de la gestion des ressources fait partie des gènes de l’ingénieur packaging. On essaye toujours de penser les produits en optimisant la consommation des ressources en matières première, tout en tenant compte des contraintes marketing. C’est encore plus vrai aujourd’hui avec la prise de conscience sociétale autour de l’environnement qu’accompagnent les grandes entreprises et les industriels comme l’Oréal.
Le groupe a mis en place un programme RSE pour ses produits, nommé SBWA pour Sharing Beauty With All. Celui-ci vise à améliorer durablement l’empreinte environnementale et sociétale de nos produits grâce à un outil interne d’évaluation appelé SPOT (Sustainable Product Optimisation Tool). Par exemple, sur la partie packaging, on va renseigner les matériaux utilisés, leur origine, la façon dont on les transforme, ceux qui pourraient perturber le recyclage du produit, le poids de chaque composant etc. Cet outil permet ensuite aux équipes d’évaluer et de comparer toutes les options de conception de packaging en termes d’impact environnemental, et ainsi de choisir la meilleure solution existante. L’Oréal s’est appuyé sur SPOT pour évaluer puis améliorer chacun de nos produits.
L’autre objectif du groupe est d’atteindre à horizon 2025, 100% de produits recyclables, compostables, rechargeables ou réutilisables. C’est un sacré défi, d’autant plus que l’Oréal souhaite n’utiliser à terme dans ses emballages que des matières PCR (Post consumer recycled) c’est-à-dire issues de la collecte et du tri sélectif réalisés par les collectivités. C’est forcément plus compliqué que lorsqu’on travaille avec d’autres industriels où l’on connaît à l’avance la disponibilité et la qualité des ressources. Avec le PCR tout dépend de l’engagement de toute la chaîne, depuis le consommateur jusqu’aux centres de tri, en passant par les organismes semi-publics comme CITEO chargés d’organiser la collecte, le tri et de communiquer auprès du grand public pour l’inciter à mieux trier.
La disponibilité de cette matière première est au cœur de notre stratégie. Cela demande un gros travail en amont de qualification des matières, d’identification des sources d’approvisionnement et de leur intégration à notre process industriel, et évidemment de respect des normes qualité
Enfin, l’autre axe de développement en terme environnemental est actuellement de s’assurer que nos produits sont eux-mêmes recyclables. On tend par exemple à essayer de n’utiliser qu’un seul et même type de matériau pour en faciliter ensuite le recyclage. Ce n’est pas toujours évident avec des packagings comme les sachets d’échantillons habituellement composés de plusieurs couches de PET, d’aluminium pour la conservation de la formule, et de polyéthylène pour une bonne compatibilité et soudabilité du sachet. C’est ce qu’on appelle dans notre jargon, un « sandwich » très difficile à défaire car une fois fabriqué, on ne sait pas comment le recycler. D’importantes études sont aujourd’hui en cours pour limiter leur fabrication à un seul matériau
Techniquement, on sait vers quoi on doit tendre, mais commercialement, c’est plus compliqué car il faut s’assurer que les consommateurs sont prêts à changer leurs habitudes. L’année dernière par exemple, l’Oréal a lancé une gamme de produits naturels avec des flacons que les clientes pouvaient re-remplir en point de vente une fois vides. L’initiative est intéressante et nous avons beaucoup appris pour développer d’autres offres du même type, techniquement bien sûr, mais aussi commercialement et culturellement (comment inciter des consommateurs à rapporter leur flacon vide au point de vente pour le remplir, ce qui n’est pas dans les habitudes actuellement). Je suis convaincu que les mentalités sont en train de changer, on le voit par exemple avec la logique du vrac que développe la grande distribution.
Cela fait 18 ans que vous travaillez chez l’Oréal, comment voyez-vous la suite de votre carrière ?
C’est la question qui touche tous les quadras en milieu de carrière (il sourit). Je sais que l’Oréal me permettra toujours de changer de voie si je souhaite un jour quitter le packaging pour rejoindre d’autres services. Pourquoi pas m’orienter vers l’innovation pour réfléchir aux produits d’après-demain et apporter mon expérience opérationnelle ? Les métiers de la formation et des ressources humaines sont aussi une possibilité. J’ai toujours trouvé passionnant de s’inscrire dans une démarche de transmission des savoirs, d’aller recruter les bons profils pour ensuite les accompagner dans leur évolution au sein de l’entreprise.
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