Rencontre avec Florent Le Lain (ECL 2001) : Site Reliability Engineer Team Lead chez OVHcloud
La tête dans le cloud et les pieds sur sa Terre bretonne, Florent Le Lain (ECL 2001) est aujourd’hui Site Reliability Engineer Team Lead chez OVHcloud. Pas vraiment programmé à la sortie de Centrale Lyon pour une carrière dans les Telecoms puis dans l'IT, il revient pour Technica sur son parcours, son virage entamée en 2015 vers l'informatique, sur l'avènement annoncé des solutions logicielles et de l'IA. Un témoignage qui rappelle, comme il le souligne, l'importance pour les ingénieurs de se tenir prêt à “bifurquer, pour découvrir de nouveaux contextes toujours plus excitants !”
Technica : Bonjour Florent. Pouvez-vous nous présenter votre rôle et vos missions actuelles de Site Reliability Engineer Teal Lead chez OVHcloud?
Mon poste se compose de deux rôles distincts : celui de responsable d’équipe (‘Team Lead’) et celui de SRE à proprement parler. SRE est l’acronyme pour ‘Site Reliability Engineer’, que l’on pourrait assimiler, pour faire simple et imagé, au couteau suisse entre les domaines du développement (programmation) et les opérations, dans le monde de l’IT et du Cloud. C’est celui qui fait la colle entre les briques logicielles composant les produits informatiques offerts, s’assure que l’ensemble fonctionne sans discontinuité en production et est en charge d’en améliorer son fonctionnement au fil du temps. Il est nécessairement polyvalent : il écrit du code, le teste unitairement, l’intègre dans l’environnement global, le met en production et a, in fine, la responsabilité sur la qualité de service offerte au client par le système dans son ensemble. Google, à l’origine du concept de SRE, explique que le ‘Site Reliability Engineering’ est ce que l’on obtient quand l’on traite les opérations à la manière d’une problématique logicielle.
Technica : En 20 ans de carrière dans l'IT, quelles ont été les grandes révolutions technologiques qui vous ont le plus marqué ? Quels impacts ont-elles eu sur votre façon d'envisager votre métier ?
Mon parcours professionnel, qui a débuté dans la filière télécom, ne me prédestinait pas de façon tout à fait évidente à l’informatique et au Cloud – en tout cas pas au début des années 2000, lorsque je suis sorti de l’Ecole Centrale de Lyon. Mais, les évolutions technologiques ont significativement fait bouger les écosystèmes au fil des années et, à partir de 2010-2012, les industriels du monde télécom réalisent que le futur de leurs services se fera sur du matériel informatique banalisé et, naturellement, dans des environnements Cloud – ces derniers apportant une flexibilité sans pareil, toutes les ressources devenant gérées comme du logiciel. Jusque-là fondu de technologies télécom et cultivant ma différence par rapport au ‘mainstream’ de l’informatique, je bascule alors, en 2015, dans l’IT et le Cloud, travaillant d’arrache-pied à intégrer, tester et exécuter nos fonctions réseaux traditionnelles – mobiles comme fixes – sur des serveurs informatiques géneriques. Une nouvelle passion est née chez moi et ne m’a pas quitté depuis !
La leçon que j’en retire au passage : il n’est absolument pas possible de dessiner précisément le parcours que l’on va suivre au-delà des 2-3 ans à venir. Préparons-nous toujours à bifurquer, à virer, à nous ré-orienter pour découvrir d’autres contextes toujours plus excitants !
- Technica : Quelles sont selon vous les nouvelles technologies les plus prometteuses pour l'évolution de votre métier ?
Je pense qu’il y en a 3 : le logiciel, le logiciel et le logiciel. Pardon, j’en oublie : le logiciel oui, mais c’est aussi avec sa culture, ses méthodes et ses outils. Plus sérieusement, sans être spécialiste de stratégie et d’orientation technologique, les grands piliers sont effectivement fortement tractés par le monde du Software, à commencer par l’Intelligence Artificielle. On est encore loin d’avoir tout vu - sur une techno qui est actuellement en plein boom – et d’avoir pris la mesure de tous les impacts – bons ou mauvais – qu’elle aura. Il ne faut pas s’attendre à la panacée – l’IA elle-même a besoin de l’infra que nous lui mettons à disposition ainsi que d’un pilotage humain – mais elle va nous apporter dans beaucoup de métiers et a fortiori dans le nôtre, SRE.
Une autre évolution à suivre et qui pourrait bien être une véritable révolution : l’ordinateur quantique. C’est d’ailleurs un sujet pris très au sérieux par OVHcloud, qui continue à investir significativement sur le sujet.
- Technica : Quelle place tient la sécurité des données dans votre travail ?
Mon chemin professionnel, qui m’a mené des télécommunications à l’informatique, m’offre une perspective assez singulière du sujet Sécurité. En Télécom, la sécurité était déjà bien sûr un sujet majeur. Mais, quelque part, elle découlait naturellement et facilement de ce que l’on designait, fabriquait et opérait en marge des autres courants technologiques majeurs comme l’informatique. En tant qu’opérateur de télécommunications, on standardisait nos propres protocoles (X25, ATM, 2G/3G, ...), faisions fabriquer des “boîtes noires” 100% propriétaires par des industriels spécialisés en télécommunications (Nokia, Ericsson, ...), ... un “entresoi”de filière qui garantissait par construction un très bon niveau de sécurité, encore une fois, enjeu majeur dans ce domaine.
Depuis 8 ans que je travaille dans le monde informatique, je crois que la sécurité n’a eu de cesse de monter en puissance. Parfois partie d’un simple voeu, parfois seulement de discours, elle est aujourd’hui au coeur de toute organisation, que ses produits soient informatiques ou non. Quelle organisation peut se prévaloir de n’avoir jamais subi d’attaques, au moins de tentatives ? Qui peut prétendre n’avoir la moindre faille dans aucun des (très nombreux) systèmes qu’il utilise, l’inventaire de ce que l’on utilise devenant lui-même un challenge si l´on ne s’est pas organisé pour ?.. Concrètement, travaillant dans une entreprise qui développe et opère des produits informatiques pour ses clients, il se passe rarement un jour où il n’est pas question d’appliquer une mise à jour de sécurité sur l’un de nos éléments techniques ou de découvrir une nouvelle vulnérabilité.
- Technica : Comment en interne les équipes se forment-elles aux nouvelles formes de menaces ?
Sans rentrer dans le détail, l’organisation de l’entreprise s’adapte en continu au niveau des menaces, avec d’un côté des équipes spécialisées, et de l’autre une sensibilisation de plus en plus forte et fréquente de l’ensemble des équipes aux enjeux et challenges associés. Concrètement, la sécurité est un élément pris en compte dès les premiers designs d’un nouveau produit ou à toute évolution d’un produit existant. Le SAM (Software Asset Management = inventaire des logiciels) fait partie intégrante des processus et toute vulnérabilité est partagée (si découvert par nos soins) ou suivie et prise en compte (si découvert par une autre communauté).
- Technica : Une société comme OVH est concernée par la question de la pollution numérique émise par les centres serveurs notamment. Comment limiter cette pollution ?
Voilà peut-être l’élément le plus différenciant d’OVH - avec celui d’être un acteur européen ! C’est un sujet pris au sérieux depuis le début de l’aventure OVH, qui en a été une clé dans le design de son Cloud. L’une des plus grandes réussites d’OVHcloud en la matière est certainement son innovation de refroidissement du matériel par eau, lui permettant d’être le leader en termes d’efficacité énergétique et de consommation d’eau.
En chiffres, OVHcloud, c’est :
- une excellente efficacité énergétique de ses Datacentres (PUE de 1.1 à 1.3 vs. une moyenne de 1.6 pour le secteur)
- une quantité d’eau utilisée bien inférieure à la moyenne (0.26L/kWh vs. 1.8L/kWh pour le secteur)
- un niveau d’émission de CO2 de 0.20 tCO2/Mwh.
L’empreinte environnementale fait partie des sujets sur lesquels OVHcloud prend le plus souvent la parole. Le site OVHcloud.com en dit encore un peu plus.
- Technica : OVHCloud est en concurrence avec des mastodontes comme Amazon Web Services, Microsoft Azure ou Google Cloud Platform. Quels sont selon vous ses atouts pour lutter ? Est-ce que le fait qu'OVH soit une société française et non américaines, est un argument commercial ?
OVHcloud, société française, européenne en fait indéniablement un véritable atout devant les enjeux de souveraineté numérique, devenant de plus en plus prégnants. Les différents labels nationaux et européens obtenus par OVHcloud matérialisent cet engagement pour la souveraineté sur nos données et systèmes informatiques dans leur ensemble (SecNumCloud, HDS, Gaïa, ...).
Mais ce n’est pas tout. OVHcloud portent des valeurs comme la liberté de choix et la réversibilité. Deux valeurs pour lesquelles je laisse le soin aux utilisateurs (ou ex-utilisateurs!) des géants américains du Cloud de juger... Pour ceux qui ne me suivraient pas ici, les hyperscalers que vous citez sont un peu comme “l’Hotel California”, du groupe de rock américain les Eagles: on y rentre mais ... on n’avait pas forcément compris que l’on ne pourrait jamais en sortir (verrous financier et technique très solides).
Enfin, ceux ou celles qui sont familiers avec le Cloud et ses tarifs savent aussi que consommer les produits OVHcloud coûtent significativement moins chers que ceux des GAFAM.
- Technica : Pour conclure, j'aimerais avoir votre avis sur l'avènement des IA que le grand public découvre ces derniers mois. Vous étonnent-elles et faut-il, comme le demandent certains décideurs, ralentir leur développement pour apprendre à mieux les contrôler ?
Le concept d’intelligence artificielle et les travaux associés sont loin d’être aussi récents qu’on le croit souvent. Ils débutent concrètement dans les années 1950-1960, principalement aux Etats-Unis. Ce que l’on observe durant cette dernière décennie est plutôt une remarquable accélération sur le sujet, due à la puissance de calcul maintenant disponible et les niveaux d’investissements atteints à l’échelle mondiale.
Les outils démonstratifs mis à disposition du grand public ces derniers mois (ex. ChatGPT) rendent plus concrets (une petite partie de) ces travaux au plus grand nombre. Pour celui ou celle qui rencontre l’Intelligence Articielle pour la première fois, l’effet est assurément bluffant ou ... effrayant !
Parler de ralentir (arrêter même pour certains) le développement sur l’IA pour en maîtriser les risques et conséquences potentiels me semble être, au mieux naïf et irréaliste, au pire hypocrite. Je crains que cette dernière hypothèse ne s’applique pour un certain nombre de personnalités ayant signé la récente lettre ouverte, certains d’entre eux investissant massivement d’un côté dans l’IA (“pour garder un oeil sur une technologie qui pourrait devenir incontrôlable”, verbatim d’un célèbre patron d’un constructeur américain de voitures électriques et de fusées dont je préfère taire le nom) et de l’autre, demandant de s’arrêter pour réfléchir, légiférer, ... Faut-il y voir une façon détournée de se donner une chance de rattraper un retard en la matière ?..
Quoi qu’il en soit, il y a là effectivement un vrai sujet sur lequel il faut nous pencher plus sérieusement et sans attendre, en allant au-delà de l’épatement ou de la terreur que cette technologie peut susciter aujourd’hui. Ses implications, bonnes et mauvaises, vont assurément devenir de plus en plus visibles dans notre quotidien et sur nos sociétés. Il nous est indispensable de nous organiser et de nous outiller afin de la réglementer et l’encadrer de manière responsable, réaliste et éthique.
Aucun commentaire
Vous devez être connecté pour laisser un commentaire. Connectez-vous.