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28 avril 2021

Frank Debouck (ECL 1978) : itinéraire d’un Centralien emblématique
De la recherche nucléaire à la direction d'une grande école

Diplômé de Centrale Lyon en 1978, Frank Debouck a mené une carrière éclectique qui l'a fait naviguer entre le nucléaire, la finance et l'aéronautique avant que sa passion du challenge le conduise à diriger l'École Centrale de Lyon, son école d'origine.

Alors qu'il terminera son second et dernier mandat en cette fin d'année, il nous livre le résumé d'un parcours très polyvalent et il évoque le futur de l'École Centrale de Lyon dans la compétition mondiale. Qu'il regarde hier ou demain, Frank illustre ainsi pleinement sa conviction qu'"un Centralien peut toujours être ambitieux sans jamais être arrogants".


Bonjour Frank, tu diriges l'École Centrale de Lyon depuis 2011, une fonction que tu quitteras en fin d'année. Peux-tu nous raconter ton cheminement professionnel jusqu'à ce retour vers l'École ?

Diplômé en 1978, j'ai accompli mon service militaire en tant que chercheur au département Propulsion Nucléaire du CEA, où j'ai travaillé sur les moteurs de sous-marins. Puis, j'ai rejoint la filiale de la Caisse des Dépôts où j'ai conduit le projet d'informatisation d'une banque de développement à Abidjan, en Côte d'Ivoire. C'est là aussi que j'ai pu exprimer ma passion pour l'aviation, en passant les brevets de pilote privé puis de pilote de ligne.

À mon retour en France en 1984, je suis entré chez Air France. Non pas comme pilote, mais comme ingénieur, pour participer à l'aventure Concorde. Après 10 années, je suis devenu Responsable Commercial des lignes Amériques pour le supersonique, en charge notamment des vols spéciaux.
Quand le Concorde cesse de voler, je participe à la création d'Air France Consulting, la filiale dédiée à l'audit et au conseil auprès des compagnies aériennes. C'est ainsi que me vient l'idée de transposer les techniques de l'aérien dans le secteur hospitalier. Dans ces deux univers, qu'il s'agisse de passagers ou de patients, la sécurité est primordiale. L'aérien est à la pointe en termes de méthodes, de définition de procédures tolérantes à l'erreur humaine et de prise en compte des retours d'expérience. On peut décliner ces acquis dans le monde médical et c'est la raison d'être d'AFM42, une start-up que je lance en 2007, dédiée à la mise en œuvre de systèmes qualité dans le secteur médical, l'industrie nucléaire et les industries complexes.

Entre l'aérien et le conseil, tu sembles alors bien éloigné de l'École. Comment reprends-tu contact avec l'École Centrale de Lyon ?

C'est en 2003 que l'École s'est rappelée à mon bon souvenir. Je reçois alors un appel de Florence Altmayer (ECL 1979) qui me propose d'être parrain de la promotion 2006. En tant que parrain, je me découvre une passion pour l'accompagnement des élèves. Je siège alors quelques années au conseil exécutif, puis au conseil d'administration de l'École. C'est là que je suis incité, en 2011, à poser ma candidature au poste de Directeur de l'École.
Je pèse le risque d'abandonner une grande entreprise pour un mandat de 5 ans renouvelable un fois, mais je suis attiré par ce nouveau défi, l'envie de contribuer au service public de l'éduction - et aussi de continuer d'apprendre. La même envie d'apprendre encore qui m'avait fait me plonger dans la radiothérapie alors que je lançais les activités de la start-up AFM42... D'abord choisi par le conseil d'administration, je suis nommé par le Ministère pour un premier mandat.

Avec ton bagage d'entrepreneur, comment as-tu vécu cette nouvelle expérience dans le monde universitaire ?

La complexité de la mission est à la hauteur de la satisfaction qu'on peut en retirer : il s'agit de répondre aux attentes de l'État, du personnel, des élèves et des parties prenantes. C'est l'occasion de travailler avec des personnes extraordinaires au service d'une mission unique : travailler sur le savoir.
L'École regoupe aujourd'hui 6 laboratoires de recherche, elle a noué 250 contrats avec des industriels et surtout, elle forme des jeunes gens qui ont envie de contribuer aux transformations du monde. C'est certainement un challenge difficile, mais aussi un grand plaisir que d'y être associé.

Depuis 2011, l'École a beaucoup changé sous ton impulsion. Quelles réalisations te semblent les plus significatives ?

Mon objectif prioritaire, et il a été tenu, c'était de maintenir le rang de l'École dans les classements nationaux et internationaux. Nous sommes toujours reconnus comme la première école d'ingénieurs hors Paris.

Mais il faut aussi faire évoluer le cursus de formation pour répondre aux mutations de la société sur les plans sociaux, environnementaux et technologiques. C'est l'objet du projet ECL 2030 qui prévoit notamment de multiplier les approches pédagogiques, ce que j'appelle la "formation augmentée".
Ainsi, l'École a pu introduire une première formation d'ingénieur accessible par la voie de l'alternance : celle d'ingénieur énergie.
En sus du diplôme ingénieur-architecte avec l'École Nationale d'Architecture, j'ai participé à la création de doubles diplômes dans plusieurs spécialités : ingénieur-manager avec l'emlyon business school, ingénieur-économètre avec l'ENSAE ou encore ingénieur-médecin en association avec l'Université Claude Bernard. À noter que l'École Centrale de Lyon est la seule école à ce jour à proposer un double diplôme d'ingénieur-médecin.

Dans le même esprit, je suis heureux d'avoir contribué à la création du CHEL[s], le Collège des Hautes Études - Lyon Science[s] qui réunit l'École Centrale de Lyon, l'École Normale Supérieure de Lyon, Sciences Po Lyon, VetAgro Sup, le Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Lyon et les Mines Saint-Etienne.
Les étudiants de ces établissements peuvent suivre un module d'enseignement dans un autre établissement du CHEL[s]. Pour moi, le décloisonnement des disciplines est essentiel à la compréhension des enjeux du monde contemporain et à l'ouverture au travail en réseau. Le CHEL[s] prépare les étudiants à la complexité de l'environnement professionnel en les dotant de compétences d'adaptabilité, d'esprit d'entreprise et de créativité. Mais nous avons aussi monté sur le campus d'Écully la première cuisine école, en partenariat avec l'Institut Paul Bocuse et nous proposons à nos élèves de passer un CAP pour se former aux métiers de l'artisanat.
Tous ces parcours augmentés permettent aux Centraliens de s'ouvrir sur le monde et de mettre leur bagage scientifique au service d'une large palette de métiers.

Pour que le projet pédagogique existe, il faut aussi cultiver la fierté d'appartenance des équipes qui le portent : enseignants, enseignants-chercheurs et personnels administratifs. L'École Centrale de Lyon aujourd'hui, ce sont 700 personnes dont 200 doctorants et 200 vacataires. Depuis le 1er janvier de cette année, ce sont 2 campus, avec l'intégration de l'École Nationale Supérieure d'Ingénieurs de Saint-Etienne (ENISE).
L'ensemble représente 2 700 élèves, 1 700 à Écully et 1 000 à Saint-Etienne et délivre 800 diplômes par an. Nous devrons multiplier par deux ce nombre de diplômés dans les 10 prochaines années.

Tu évoques la nécessité de développer les effectifs. Pour y parvenir, quels sont les défis que l'École va devoir relever sur les prochaines années ?

Pour exister dans la compétition mondiale de l'enseignement supérieur, l'École Centrale de Lyon doit d'abord maintenir son rang. Pour cela, elle doit évidemment réussir l'intégration de l'ENISE, mais aussi accroître ses capacités, à Lyon comme à Saint-Etienne. Nous avons aujourd'hui 50M€ de travaux immobiliers en cours. Le financement des ambitions de l'École demeurera une question essentielle, qui passe par l'apport de fonds, à la fois publics et privés.

J'en profite pour remercier l'ACL, qui a injecté le premier demi million d'euros sur les 12M€ nécessaires à notre nouveau bâtiment de tribologie, un investissement qui a eu un effet de levier auprès des autres financeurs, Métropole et Région. 
Nous mobilisons actuellement 28M€ pour notre projet "Impact" de nouveau laboratoire dédié à la transition énergétique et sociétale.

L'autre enjeu clé pour le futur est celui de la Recherche. L'École doit être un acteur majeur de la structuration de la recherche dans le cadre du bassin Lyon - Saint-Etienne. Avec les autres écoles d'ingénieurs et les universités, nous développons une stratégie de recherche concertée pour adresser les grandes questions de société, en particulier celles liées au développement durable, au changement climatique et aux questions sanitaires. Cette approche doit améliorer notre visibilité internationale en augmentant le nombre de publications scientifiques sous un même nom.

Tu abandonneras tes fonctions en novembre prochain. Comment se déroulera la nomination de ton successeur ?

À la différence des universités, le code de l'éducation n'oblige pas les écoles d'ingénieurs à nommer un directeur issu du monde académique. La personne qui me succèdera pourra venir de l'université ou de l'industrie. Elle devra surtout porter un projet et le défendre dans les mois qui viennent.

Le poste sera déclaré vacant en mai, avec une publication au journal officiel. Les candidats déclarés devront présenter leur projet pour l'École face au Conseil d'Administration. Puis le Conseil fera son choix, qui sera proposé pour validation au Ministère. La moitié du Conseil est constituée d'élus internes et des personnalités externes, représentant les collectivités et le monde industriel. 
L'École est en bonne santé financière et elle développe un programme immobilier à hauteur de ses ambitions. Pour mener à bien tous les chantiers qui attendent l'École Centrale de Lyon, il faut un profil de pilote, capable de conduire une stratégie de long terme. Il faudrait idéalement que cette personne puisse s'engager sur deux mandats, pour les 10 ans qui viennent.

Ce pilote peut être un universitaire mais je ne crois pas qu'il faille se fermer aux candidatures issues du monde industriel. Ce pilote devrait faire preuve d'enthousiasme et d'une forte capacité d'écoute pour rallier l'ensemble des parties prenantes. Il devra croire dans l'excellence de la formation que nous délivrons, cette formation d'ingénieur généraliste qui peut ouvrir toutes les portes. Avec un socle scientifique et technique solide, enrichi par une "mineure" issue de la formation augmentée, nos Centraliens ont le droit d'être ambitieux sans jamais être arrogants. Tous les postes peuvent leur être accessibles, en France et dans le monde.

Le rayonnement international de l'École sera une question centrale pour mon successeur. Nos élèves ont déjà l'obligation d'accomplir un semestre à l'étranger et nous avons haussé le niveau requis au TOEFL. Nous accueillons 15% d'étudiants étrangers et ils seront un quart d'ici 10 ans. Pour progresser sur la scène internationale, nous avons créé un conseil consultatif international qui comprend 6 personnalités étrangères et nous travaillons à attirer de grandes universités anglo-saxonnes.

C'est ce projet de reconnaissance internationale de la marque Centrale qui devra être porté par le nouveau Directeur ou la nouvelle Directrice.

 

Entretien mené par François Ramaget (ECL 1979), VP Communication de l'ACL

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Commentaires

1 Commentaire

André Pierre BOLLER (ECL 1968)
Il y a 3 ans
Merci Frank et François pour cet échange entre 2 centraliens de la même génération d'ingénieurs aux parcours emblématiques et motivants pour toutes les autres promotions , pour tous nos élèves, pour tous nos camarades en activités ou en recherche de carrières , pour tous nos retraités aussi, fiers des classements internationaux de notre ECL et de son Campus
Les Amis de l'ECL , leur président et le nouveau bureau éxécutif élu à la majorité du CA le 5 mai dernier portent avec Franck et avec l'ACL les projets et les ambitions de notre ECL, qui depuis 1857 est toujours aussi jeune, aussi innovante et aussi bien managée pour former des généralistes, singulièrement recherchés et adaptés aux emplois dans de très nombreux domaines de l'ingéniérie plurielle , d'aujourd'hui et de demain surtout
André-Pierre BOLLER, ECL 68

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